MOLOSSE

Mes parents, et surtout ma mère avaient toujours rêvé d’avoir un Yorkshire. C’était un rêve assez inaccessible, car d’une part nous n’achetions pas les chiens et en plus le prix était hors de portée pour l’époque. Des amis proches avaient une petite chienne yorshire qui devait avoir une portée. Ainsi le rêve devenait réalité, car il était entendu que mes parents allaient avoir leur petit yorkie.

Malheureusement, il y a eu des complications, il n’y a pas eu de chiots disponibles. Mais les amis savaient que c’était un rêve et ont donc offert un petit yorkie.

Ce petit chien avait été très attendu et il a conquis mes parents très rapidement. Un yorkie dans toute sa splendeur, certains diront têtu ! très têtu ! Je dirais maintenant un peu différemment, mais le fait est que je me suis demandé s’il n’était pas sourd ou complètement stupide ! C’était juste que mes compétences en terme d’éducation et de conditionnement était très limitées.

Très rapidement, il a eu des accidents et ennuis de santé qui l’ont conduits à avoir des opérations multiples, dont deux accidents sur les yeux avec le chien que j’avais adopté, Bully. Un accident … c’est toujours bête, stupide et imprévisible. Et ça a été le cas puisque Molosse a perdu un œil avec juste un ouaf de la part du berger allemand, lorsque Molosse lui a marché dessus. Et un peu plus d’un an après, soudainement il a décidé de récupérer la balle entre les pattes du berger allemand qui s’est levé pour récupérer la balle. Molosse s’est tapé le deuxième œil sur la mâchoire, ce qui a entrainé un hématome fatal pour son œil. Les yeux des Yorkshires sont très peu protégés et très sensibles. Dans ces deux actions, il n’y a même pas eu de bagarres, juste des actions posées et justes de la part du berger allemand. Mais voilà deux accidents bêtes qui l’ont privés de sa vue en une fraction de seconde et qui nous a laissé dans un grand désarroi.

Nous lui avons trouvé un nom qui allait bien avec son caractère : Molosse a donc été intégré à la famille et a tout de suite été adopté par tout le monde. Mais voilà, il y a des chiens chanceux et il y a … Molosse ! Nous l’appelions le chien en kit tellement sa vie a été ponctué d’évènements malheureux.

Le fait de devenir aveugle a été un évènement assez traumatisant aussi pour nous car cela a été brutal. Et en plus c’était du fait d’un accident avec mon propre chien. Il est vrai que nous faisions attention, mais voilà Molosse a eu une idée un peu stupide qui a fait de lui un chien handicapé.

Donc quand il est revenu à la maison, nous avons vite compris qu’il fallait lui réapprendre à vivre et surtout l’aider à prendre confiance. Car au premier pas qu’il a fait, il a eu mal et était tétanisé à ne plus pouvoir bouger. C’est une expérience, où il est important de faire le deuil de son chien pour recréer une nouvelle vie avec un autre chien. Pas si simple et pourtant lui a eu le caractère pour s’adapter et de nouveau vivre SA vie.

Je venais de faire un stage avec une personne qui m’avait ouvert les yeux sur un point très important. Nous avons tendance à toujours resté dans notre zone de confort et parfois il est important d’ouvrir les yeux et de prendre conscience sur ce qui doit être fait pour une amélioration future. Autrement dit, parfois nous préférons un confort à court terme plutôt que d’entreprendre un travail pour avoir des effets sur le long terme. Et c’est en fait cela que j’ai mis en pratique avec Molosse, histoire de planifier un travail afin qu’il puisse revivre tout à fait normalement.

Cela a été une réussite, car au final il a accompagné mes parents un peu partout et s’est finalement bien adapté à son handicap. Parce que les chiens ont beaucoup de ressources et vive l’instant présent sans trop se soucier de certains aspects de la vie C’est bien plus simple pour un chien de s’adapter au handicap. Mais aussi parce qu’il avait le caractère pour : Molosse était un chien très volontaire ce qui a grandement simplifié ses apprentissages.

Son histoire a été riche d’enseignements pour moi. Car à l’époque, beaucoup de personnes dans le monde canin, avaient suggéré une euthanasie : « parce que tu comprends, le pauvre, il souffre ». Et Molosse nous a montré qu’un chien est tout à fait capable de s’adapter ; à condition qu’il puisse s’adapter, mais c’est aussi le rôle du propriétaire de mettre en place ce qui est nécessaire. L’adaptation est toujours ce qui nous permet d’avancer et de progresser.

Il a même réussi à faire des randonnées (canirando) et de l’agility, et d’ailleurs réussissait mieux qu’avant son handicap. Des personnes m’ont dit à l’époque que c’était un peu stupide de faire ce type d’activité avec lui, puisqu’il n’était plus apte à faire un concours. Mais d’une part, cela a permis à quelques personnes de voir et comprendre qu’il y avait toujours des solutions pour un chien handicapé, et surtout il a pu développer des compétences extrêmement utiles pour sa réhabilitation. Car sauter une barre aussi basse soit-elle, cela signifie perdre le contrôle avec le sol. Cela lui a permis de mieux appréhender ensuite les marches, ou encore de moins stresser quand il marchait et qu’il y avait de petit dénivelés. Ce ne sont que des petits exemples, mais à chaque fois que nous pratiquons une activité avec notre partenaire canin, cela développe à la fois des compétences pour le chien, mais aussi cela augmente la relation que l’on a avec lui.

Molosse a été un chien qui n’aura pas eu de chances jusqu’au bout, il a développé un syndrome de Cushing, et forcément la pire des situations s’est produite, puisqu’un peu plus d’un an après, il s’est éteint très rapidement d’un cancer généralisé. Et là encore avec ses multiples blessures et autres maladies (dont l’épilepsie développée à la suite des anesthésies), il m’a beaucoup appris sur la gestion des soins et des interventions chez le vétérinaire avant même que soit abordé le « medical training ».

Même si ce n’était pas mon chien a proprement parlé, j’ai eu l’occasion de m’en occuper et surtout d’essayer de réfléchir à un plan d’entraînement pour lui. C’était une époque où internet était beaucoup moins accessible, et du coup il fallait apprendre un peu par soi-même. Et c’est ainsi que j’ai compris, qu’au final nous avons tous des ressources incroyables, surtout quand nous sommes coincés un peu au pied du mur, et qu’il faut avancer.

C’est à ce moment-là que la créativité de l’humain généralement se dévoile ! Quand nous n’avons pas le choix. Molosse m’aura beaucoup appris, même si ce n’est pas avec lui que j’ai pratiqué le plus d’activités canines.